Refus de prêt

Alors que le CREDIGITAL ouvre ses portes, Maître Laurent DENIS nous présente les résultats de sa recherche juridique sur les conséquences du refus de prêt en présence d’un courtier en crédit. A lire absolument !

Entretien d’Eric Debese avec Maître Laurent Denis, Avocat chez www.endroit-avocat.fr
Lundi 22 mars 2021.

Eric Debese : bonjour Cher Maître et Cher Laurent ! Endroit Avocat fait coïncider la sortie des résultats d’une recherche juridique avec le premier Salon « CREDIGITAL », qui réunit ce lundi 22 mars le marché du courtage en crédit, auquel participe Made In Courtage et Endroit Avocat. Encore un sujet qui ressemble à une Fable de La Fontaine : « Le vendeur, l’acquéreur et le courtier » ? Ce travail d’analyse juridique porte sur les conséquences du refus de prêt en présence d’un Courtier en crédit. Pour quelle raison avoir retenu cette thématique ?

Laurent Denis : bonjour Cher Eric et comme toujours, heureux de te retrouver et de partager un moment avec les lecteurs assidus du blog « Made In Courtage » ! Oui, ce lundi 22 mars 2021 se tient le premier « Salon CREDIGITAL ». C’est aussi la semaine de l’éducation financière, du 22 au 28 mars 2021, à laquelle les Courtiers et les IOBSP auraient tant à apporter. Les candidats à l’acquisition immobilière et au crédit ont bien des informations à connaître ; et à apprendre des Courtiers, certainement les mieux placés dans ce domaine. Le refus de prêt n’est évidement pas la situation la plus plaisante pour le Courtier, d’autant qu’il s’agit de l’une des rares professions qu’un Consommateur peut faire travailler pour rien. L’échec de recherche de prêt n’est bien entendu pas le cas dominant, fort heureusement. Mais il peut entraîner une cascade de conséquences : le vendeur du bien pour lequel la vente n’aboutit pas, faute de prêt, peut se retourner contre l’acquéreur qui n’achète finalement pas ; en lui réclamant des compensations financières (indemnité d’immobilisation, clause pénale, dommages et intérêts…) qui peuvent représenter de gros montants. Et l’acquéreur, pour se défendre, peut se retourner vers le Courtier en crédit. Il s’agit d’un contentieux fréquent, bien connu des Tribunaux, mais qui pose des questions de responsabilité nouvelles dès lors qu’il est examiné avec la présence d’un Courtier. Finalement : acquéreur (Client du Courtier) et Courtier en crédit, quelles sont les responsabilités de chacun en cas d’échec d’obtention de prêt ?

ED : pourtant, la situation est simple : pas de prêt, pas de vente. Et pas de vente, pas de sanction financière pour l’acquéreur qui n’a pas pu obtenir le prêt.

LD : oui, c’est bien la règle juridique de principe. Mais le vendeur peut ne pas se contenter du refus de prêt. Il est en droit de réclamer des preuves ; bien sûr, d’abord : des attestations de refus, comportant des informations précises ; mais aussi des preuves des actes accomplis par le vendeur, donc également par le Courtier en crédit, pour obtenir le prêt. C’est là que les choses peuvent prendre un mauvais tournant. Car il ne faut pas oublier que la preuve de l’échec d’obtention du prêt pèse sur le vendeur. Et que la preuve des obligations d’un Professionnel, comme un Courtier en crédit, incombe au Professionnel, donc au Courtier en crédit. Donc, lorsque le vendeur réclame à l’acquéreur des sommes devant un Tribunal, le Courtier peut se retrouver bien vite sollicité judiciairement, de différentes manières. Et rendre des comptes, c’est-à-dire produire des preuves.

ED : la recherche juridique dont la première partie est publiée par Endroit Avocat ce jour, lundi 22 mars 2021 et la seconde, mercredi 24 mars 2021, met l’accent sur un point essentiel : la recherche du crédit par le Courtier doit correspondre strictement aux caractéristiques du prêt, telles que stipulées dans la promesse ou dans le compromis de vente. C’est l’existence d’un écart entre la promesse et le mandat qui fait flamber le risque juridique, c’est bien cela ?

LD : c’est parfaitement exact ! L’origine de l’étincelle initiale est fondamentale. L’avant-contrat (promesse unilatérale ou compromis) fixe les caractéristiques du prêt que l’acquéreur doit rechercher dans le marché. En Droit, en principe, le contrat de mandat de recherche de capitaux est indépendant de cet avant-contrat. De plus, le mandat fixe précisément les termes et les limites du travail du Courtier en crédit. Judiciairement, tout écart entre les caractéristiques du prêt dans l’avant-contrat et celles du prêt dans le contrat de mandat ouvre une source de risque. Or, en pratique, ces écarts sont fréquents. De plus, ces avant-contrats sont souvent mal rédigés. Par exemple, ils mentionnent trop rarement la possibilité pour l’acquéreur de confier sa recherche de prêt à un Courtier, ce qui est rétrograde et inefficace. Deux cas de figure : le Courtier doit impérativement veiller, soit à rechercher un prêt strictement identique à celui de l’avant-contrat ; soit il doit impérativement collecter la preuve que tout écart dans les caractéristiques du prêt provient d’une demande du Client.

ED : quels sont les autres aspects cruciaux que le Courtier en crédit doit prendre en compte pour améliorer sa sécurité juridique, en cas de refus de prêt ? tu en mentionnes deux autres.

LD : donc en premier lieu et prioritairement : rechercher un prêt strictement conforme au prêt décrit par la promesse ou par le compromis de vente. Ou gérer les écarts éventuels en recueillant la preuve qu’ils proviennent du seul choix du Client. En deuxième part, le Courtier doit gérer activement les délais : délai d’obtention des pièces, délai de dépôt des demandes aux établissements de crédit, délai avant lequel son Client, Mandant et acquéreur, doit rendre une réponse ou une information à son vendeur. Troisièmement, le Courtier doit recueillir des preuves de tous les actes ci-dessous : preuves des demandes du Client de rechercher un prêt différent de celui de la promesse ou du compromis ; preuve de tenue des principaux délais mentionnés ; preuve, enfin, de la communication des informations nécessaires aux Client, acquéreur. Cette charge n’est pas épouvantable. Elle peut s’organiser avec des outils informatiques. Dès que le Courtier pressent une difficulté dans l’obtention du prêt, il doit immédiatement se placer en posture de rendre compte de cet échec. À défaut, il augmente ses risques. Caractéristiques du prêt, gestion des délais, collecte des preuves : voilà les trois réflexes essentiels pour le Courtier en crédit en cas de refus de prêt.

ED : au final, comme bien souvent, c’est le contrat de mandat, sa rédaction, sa structure, qui procurent le bon niveau de protection juridique nécessaire, y compris devant un Tribunal.

LD : bien sûr. La structure et la rédaction du contrat de mandat de recherche de capitaux sont, une fois de plus, déterminantes. C’est LE document juridique de base et de référence. Il doit permettre efficacement la défense du Courtier, si celui-ci est contraint de rendre des comptes. Mais en plus du contrat, dans ce type de contentieux, la preuve des actes réalisés par le Courtier est essentielle. C’est la qualité juridique du contrat qui s’ajoute à la mécanique de ramassage des quelques preuves nécessaires, pour constituer le bouclier efficace en présence d’un Client emmené au Tribunal par le vendeur. Il faut comprendre que la pratique des Tribunaux est encore faible, dans ce contentieux à trois qui prend de l’ampleur et que la période de rationnement du crédit engagée par les banques et le HCSF ne peut qu’empirer.

ED : Cher Laurent, merci une nouvelle fois de tes éclairages pour nos amis Courtiers en crédit immobilier ! Je les invite vivement à parcourir en détail les deux articles publiés par Endroit Avocat dans un site juridique très accessible, dont les références figurent ci-dessous. Ces publications exposent des références juridiques et judiciaires précises, comme à ton habitude. Et surtout, très récentes. Elles alimentent la réflexion personnelle des Courtiers. La bonne compréhension des sujets judiciaires, même s’ils ne sont évidemment pas et fort heureusement, le quotidien des Courtiers en crédit immobilier, permet de passer efficacement et économiquement les inévitables contentieux.

Liens ou références utiles :

Lien avec la rubrique « Actualités » : 

https://www.village-justice.com/articles/blog-juristes-avocats-notaires,361

Laurent DENIS

Maître Laurent Denis :
Laurent Denis, Avocat, pratique et enseigne le droit des affaires et de la distribution bancaire et d’assurance.

Laurent Denis est l’auteur du « Droit de la distribution bancaire » et de « Réussir son crédit immobilier. »
Laurent Denis et Bruno Rouleau (Président de l’APIC) sont les auteurs de « Courtiers en crédits et IOBSP : défenseurs d’intérêts. »

Courriel : laurent.denis@endroit-avocat.fr (téléphone : uniquement sur rendez-vous).