droit de la distribution bancaire

“Droit de la distribution bancaire et du courtage en crédit” : Entretien avec ses auteurs, Maîtres Katarzyna Hocquerelle et Laurent Denis, Avocats.

Chers Maîtres, Chère Katarzyna ! Cher Laurent ! Voici une bonne nouvelle, dans ces temps parfois moroses, il faut bien le dire. Vous venez tout juste d’actualiser ensemble le livre publié pour la première fois en 2014 par Laurent, voici dix années : « Droit de la distribution bancaire. » J’ai pu en picorer quelques pages (il est chez l’imprimeur) : quel boulot ! Le lien entre l’environnement bancaire et le droit de l’intermédiation se lit presque comme un roman. C’est éclairant. Quels sont les livres juridiques, pour l’IOBSP qui souhaite approfondir ses connaissances juridiques, mieux comprendre certaines difficultés opérationnelles ?

Katarzyna Hocquerelle – Cher Eric, heureuse de cet échange, après notre rencontre lors du Salon du Crédit de 2022. Oui, bien sûr il existe d’autres ouvrages. Laurent a eu la bonne idée, en 2014, d’engager tout de suite l’analyse du cadre juridique des IOBSP, alors tout frais. Ce travail de recherche a permis d’éclairer notamment les contours du devoir de conseil du courtier en crédit et de recommander des mesures prudentes de sa mise en œuvre, fortement diffusées à présent. Il a exposé les arguments juridiques qui interdisent à une banque de refuser de « travailler » avec un Courtier sans convention. Et bien d’autres aspects. Il existe une petite demi-douzaine d’ouvrages qui traitent, spécialement ou en passant, du Droit applicable aux IOBSP.

Laurent Denis – Cher Eric ! c’est vrai que nous profitons, avec cette cinquième édition, du parcours du livre, qui suit pratiquement la même courbe d’expérience que celle de la législation de l’IOBSP. Les contentieux, ainsi que les échanges, abondants, et tellement sympathiques, avec les IOBSP, toujours prompts aux bonnes questions, nous font sans cesse progresser. Il reste encore assez navrant que les livres de Droit, notamment ceux de Droit bancaire, s’intéressent si peu au cadre juridique de la Distribution bancaire, à celui du courtage en crédit. Il y a deux explications, alternatives : soit les auteurs jugent ce sujet indigne de leurs plumes ; soit ils estiment les IOBSP peu intéressés par les thématiques juridiques. La première hypothèse ne tient pas, tant cette partie du Droit bancaire est riche et intéressante. La seconde est absolument erronée, évidemment.

Une transformation considérable de l’intermédiation et du courtage

Vous avez tous les deux réalisés un beau travail d’actualisation des contenus du livre et même, d’introduction de nouvelles notions. Quels changements vous ont le plus frappés, entre la précédente édition de 2020 et celle de 2023 ?

KH – Nous avons conservé un principe : le plan du livre respecte le programme de formation des IOBSP de juillet 2022. Il ne répète pas les doublons qui se trouvent dans le programme, et tous les thèmes sont traités. En vérité, ce qui est frappant, c’est que le programme de 2022 contient très peu de changements, en comparaison du précédent, de 2016. Ce qui frappe, ce sont surtout les thèmes absents du programme de 2022. Par exemple : rien dans ce programme de formation sur les Associations professionnelles de Courtiers, obligatoires depuis le 1er janvier 2022. Ce qui étonne, ce sont les changements profonds dans l’environnement de l’IOBSP, ces dernières années, alors qu’ils n’ont aucun écho dans leur programme de formation. Ce n’est pas une difficulté, puisque nous traitons tous les sujets opérationnels qui ont une dimension juridique.

LD – La transformation de l’intermédiation et du courtage, en trois ou quatre années, est considérable. Elle n’est en effet pas du tout reflétée par le programme. Premièrement, la relation des banques au courtage s’est profondément modifiée, depuis le fameux article de presse de novembre 2019 « les banques déclarent la guerre aux courtiers. » Une déclaration fanfaronne qui a tourné court, tant les Consommateurs (en crédit immobilier) sont attachés au service de courtage en crédit.

Elle a surtout produit des effets financiers. Les banques ont déclaré la guerre à leurs clients et ce n’était pas une nouveauté. Deuxièmement, bien sûr, le surgissement d’une politique volontaire de restriction du crédit immobilier aux Consommateurs, dont la hausse des taux n’est que l’un des instruments. Elle a mis en évidence, dans la douleur, que le métier d’Intermédiaire doit s’appuyer sur plusieurs activités (la banque avait fait la même cruelle découverte, à la fin des années 1980). C’est la fameuse « diversification. » La fin de l’IOBSP hyperspécialisé. L’émergence de « l’IOBSP universel. » C’est pourquoi le livre n’est pas uniquement centré sur le courtage en crédit ou même sur le courtage. L’IOBSP doit s’envisager comme polyvalent, ou, plus exactement, multi-spécialiste. Le livre traite centralement de la question de l’exercice conjoint de plusieurs activités réglementées (assurance, investissement financier) sans développer les deux autres intermédiations. Le « courtier » court à présent avec plusieurs jambes !

Un outil indispensable

En 2023, pour pousser un peu le bouchon, je sais que Laurent n’est jamais hostile aux taquineries, un livre juridique dédié aux IOBSP est-il utile ?

KH – L’Avocat vit, grandit et se fane même sans doute au milieu des livres… Plus la connaissance s’émiette et s’effrite, dans des sites internet ou des réseaux sociaux qui diffusent le pire comme le meilleur à haute vélocité, plus le livre est vu pour ses atouts : clair, posé, précis, rassurant. La relation avec le lecteur n’est pas celle de sites internet qui survolent et bricolent parfois avec les connaissances. Le livre est l’abri sûr de la connaissance. Avec Laurent, nous avons voulu garder l’esprit déjà mis dans les éditions précédentes : un langage direct, indiquant au lecteur comment mettre en pratique des notions juridiques souvent complexes.

LD – Oui, c’est juste de dire, hélas, que le livre est instrument désuet. Car le livre permet la réflexion personnelle, en contrepartie d’un peu d’effort. C’est généralement ce « peu d’effort » qui rebute. Pourtant, l’intérêt du livre professionnel, « technique » gagne à être redécouvert. Il est instrument anti-crise, par excellence. Il diffuse des connaissances, mais aussi des idées, qui ouvrent à chaque lecteur des options dans sa pratique. Nous avons reconduit le choix de l’édition de 2020, en utilisant fortement la Jurisprudence : les décisions de Tribunaux. C’est le fruit de nos propres travaux de recherche, et de nos activités professionnelles en contentieux, avec Katarzyna.

Comme précédemment, cette moisson de décisions judiciaires est permise grâce à « Doctrine », une base de données juridiques, une « LegalTech. » La Jurisprudence est stimulante, car elle expose des cas ultra concrets, triviaux. Elle permet donc de passer aisément de la Loi, du Code monétaire par exemple, à l’application concrète. Un livre est un outil parmi d’autres. Il offre de la solidité et de la clarté. Il invite plus facilement à la réflexion personnelle. C’est un outil indispensable.

De nouvelles notions introduites dans cette 5ème édition

Quelles sont les notions particulièrement intéressantes pour l’IOBSP que le lecteur trouvera dans cette nouvelle édition ?

KH – Comme je l’ai dit, il est assez évident que le programme de formation des IOBSP du 18 juillet 2022 n’a pas subi lui-même d’actualisation époustouflante, depuis celui du 9 juin 2016. C’est bien regrettable, d’ailleurs. Avec Laurent, nous avons compensé cette lacune en introduisant toutes les notions utiles à l’IOBSP, dès lors qu’elles dérivent naturellement du programme et qu’elles sont utiles à la pratique. Pour ne prendre qu’un exemple, nous proposons un gros développement sur les mesures « macroprudentielles », les nouvelles règles juridiques posées par le Haut Conseil de Stabilité Financière, étrangement absentes du programme de 2022. Leur compréhension et leur historique sont assez essentiels.

LD – Cet ouvrage est évidemment un livre de Droit, et même de Droit bancaire. Mais ce n’est pas un ouvrage prioritairement destiné à des étudiants en Droit. Il s’adresse à des Professionnels, y compris à ceux qui n’ont pas de culture juridique. Y compris à ceux que la lecture du Droit rebute. Sans doute même : il est écrit en priorité pour eux. Nous avons donc traité sans concession tous les sujets « chauds » qui se posent aux IOBSP, hors celui déjà mentionné à l’instant par Katarzyna : le TAEG et le taux d’usure ; bien sûr, le conseil indépendant en crédit immobilier, mais aussi les Associations professionnelles agréées de Courtiers et les relations qui vont s’établir avec les Courtiers, ou le refus de prêt, ou encore la rémunération de l’IOBSP. Et centralement : les relations entre le Courtier-IOBSP en crédit et les banques. Le livre expose les notions théoriques et propose les réponses à utiliser, dans la pratique de l’Intermédiaire bancaire.

Finalement, à qui est destiné ce livre ?

KH – A un public assez large. Aux IOBSP, évidemment, avant, pendant ou après leur piqûre de rappel annuelle de formation continue. Aux Organismes de formation, auxquels il procure un appui précieux et une référence solide aux contenus de formation. Il intéresse aussi les Professionnels du Droit : Avocats, Magistrats, Universitaires, qui veulent aborder ces sujets. Ou aux étudiants, notamment ceux qui envisagent des carrières bancaires, particulièrement dans la vente.

LD – Nous invitons bien sûr les banques à le commander massivement et à en pratiquer une lecture intensive (rires). Soit afin de découvrir des aspects méconnus du Droit bancaire ; soit afin de mieux critiquer les analyses étayées que le livre contient. L’éditeur EMERIT PUBLISHING propose un service original : la personnalisation des exemplaires commandés en nombre, par une page spécifique comportant un texte choisi par l’Entité, signé d’une personne et siglé d’un logo. Un réseau, un Organisme de formation ou autre peut ainsi personnaliser son achat. Le livre existe bien entendu en « papier » ou en « e-book. »

Une profession qui inspire confiance et respect

Dans ces temps chahutés, dont j’espère nous verrons le terme prochainement, quels regards portez-vous sur le marché de l’intermédiation bancaire et du courtage en crédit ?

KH – Son évolution permanente et son enracinement auprès des Consommateurs fait partie, incontestablement, des points remarquables. Les IOBSP souffrent collectivement, et comment en serait-il autrement avec un marché du crédit immobilier rétréci de moitié, en production. Leurs capacités d’adaptation et de réaction sont plus que jamais mobilisées. C’est une profession qui inspire confiance et respect. Elle sortira transformée et renforcée de cette crise sévère, qui fait des dégâts.

LD – Deux choses surprennent. Tout d’abord, les enfreintes constantes et impunies des banques au Droit bancaire. Et la qualité collective des IOBSP, en effet. Le premier point est flagrant : le décalage entre le Droit bancaire « théorique » (mais pourtant applicable) et la pratique de nombreuses banques est vertigineux. Il augmente même, au fur et à mesure que l’intermédiation se développe. C’est un sujet majeur, qui nécessite des actions fortes que personne n’envisage ou n’ose mener. De l’autre côté, les IOBSP, résilients, adaptables, professionnels et incroyablement dynamiques. Leur qualité professionnelle globale est souvent époustouflante.

Quand on pense que l’intermédiation bancaire et le courtage en crédit existent finalement pour intercaler un « décodeur » entre la banque et ses rites chaque jour davantage impénétrables, et des Consommateurs, paradoxalement de plus en plus informés mais de moins en moins manoeuvrants, on se dit que l’intermédiation et le courtage ont encore de sacrés beaux jours devant eux. La France dispose, avec les IOBSP, d’un appareil de distribution bancaire de très haut niveau, dont le plein potentiel est muselé parce que personne ne fait appliquer le Droit en vigueur. Or, les enjeux de financement de la transition énergétique arrivent en masse. La France a plus que jamais besoin d’IOBSP, œuvrant dans un cadre juridique respecté par les banques.

Merci Katarzyna, merci Laurent. Cette édition est préfacée par deux jeunes Universitaires talentueux dans nos domaines de la banque et de l’assurance, tous deux Maîtres de conférence (ce livre est un tableau « de Maîtres » !) : Madame Amandine Cayol, qui enseigne à l’Université de Caen-Normandie et Monsieur Rodophe Bigot, de l’Université du Mans. Bravo encore pour ce travail impressionnant, auquel nous souhaitons bien sûr un joli succès.

« Droit bancaire – Distribution et courtage en crédit » peut être précommandé dès à présent seulement chez l’éditeur. Il sera en vente et diffusé alors largement le 24 octobre 2023. C’est d’ailleurs la date du Salon du Crédit, où expose Endroit Avocat et pendant lequel Laurent tu tiendras comme chaque année (ou presque !) la conférence très attendue sur l’actualité du Droit de l’intermédiation bancaire. Une belle occasion d’échanges, je sais que tu les apprécies. En cette rentrée, le Droit de la distribution bancaire et du courtage en crédit est dans l’actualité !

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A propos de Maîtres Laurent DENIS et Katarzyna HOCQUERELLE

Maître Laurent Denis pratique et enseigne le Droit, et consacre son activité professionnelle essentiellement à la protection et aux projets des Intermédiaires. Retrouvez toutes les Actualités juridiques de l’IOBSP sur le site d’Endroit Avocat et sur LinkedIn. Ne manquez pas “Banque Show”, un feuilleton humoristique illustré sur le Droit bancaire et les règles macroprudentielles !

Maître Katarzyna Hocquerelle est spécialiste des entreprises. Depuis plus de vingt années, elle accompagne les professionnels de l’intermédiation bancaire et les directions juridiques dans l’ensemble de leurs problématiques. Retrouvez ses analyses sur le site d’AvocatLegal et sur LinkedIn.