La loi portant réforme du courtage a été publiée au Journal Officiel le 9 avril 2021. Retour sur ses objectifs, le contexte actuel, les attentes des intermédiaires, au travers de notre interview de Géraud CAMBOURNAC, Directeur général de l’Association Française des Intermédiaires en Bancassurance.
Bonjour Géraud. Beaucoup de nos lecteurs s’interrogent sur la réforme du courtage : auto-régulation, obligation d’adhésion à une association professionnelle… Peux-tu nous rappeler les principaux points de la réforme ?
Géraud CAMBOURNAC – Bonjour Eric, bonjour à toutes et à tous. Tu as raison de souligner que cette loi dite de régulation du courtage appelle de nombreuses interrogations chez les intermédiaires. Le constat de départ, réalisé par la DGT à Bercy, est qu’il existe un “trou dans la raquette” en matière de vérifications et d’accompagnement des IOBSP et des IAS. L’ORIAS veille à l’éligibilité du mandataire social en termes pénal (absence de condamnation) et de capacité (diplôme ou formation) et l’ACPR contrôle les pratiques commerciales des assujettis. Mais aucune mesure n’existe pour le contrôle des salariés, notamment pour leurs obligations de formations initiales ou récurrentes (7 heures pour les IOBSP et 15 heures pour les IAS). Dès le 1er avril 2022 tous les courtiers et leurs mandataires, en crédit et assurance, devront donc obligatoirement adhérer à une association agréée par l’ACPR. Outre les vérifications que je viens de mentionner, les associations auront pour mission d’accompagner leurs adhérents afin de les aider à respecter leurs obligations professionnelles, et leur “offrir” l’accès à un service médiation qui est obligatoire depuis le 1er janvier 2016 ! Les associations auront également pour mission d’établir un rapport statistique annuel à l’ACPR dont les détails ne sont pas encore connus. Nous attendons les décrets d’application sur ce point.
J’y vois un avantage certain : nous serons enfin en mesure de quantifier le poids des intermédiaires dans l’économie française : par exemple nombre de salariés, volume de production ou de contrats commercialisés. Je précise en outre que la DDA interdit toute délégation de contrôle des pratiques commerciales à des associations. Cela reste donc du domaine de l’ACPR.
Concrètement, deux articles sont ajoutés dans les codes : L513-3 du Code des Assurances et L 519-11 du Code Monétaire et Financier.
En préparant avec toi cette interview, tu m’as rappelé que cela fait déjà plusieurs années que l’AFIB appelait de ses voeux une forme d’auto-régulation par le renforcement du rôle des associations professionnelles. C’est l’exemple des CIF (Conseillers en Investissement Financier) qui a été à l’origine de cette position ?
Depuis 5 ans que je siège à la commission d’immatriculation de l’ORIAS, je plaide auprès du commissaire du gouvernement pour cette obligation d’adhésion, à l’instar des CIF. Ces derniers adhèrent depuis 2003 et la loi dite de sécurité financière. Le rapport du sénateur Bruno DELETRE de 2009 recommandait déjà d’encadrer plus sévèrement les professions d’intermédiaires du secteur financier ou les courtiers d’assurance dans le but de rétablir la confiance entre les établissements et leur clientèle. Tu vois donc que l’idée n’est pas récente !
La proposition de loi portée par Valéria FAURE MUNTIAN, députée LREM, a-t-elle fait l’objet de suffisamment de concertation avec les professionnels de l’intermédiation ?
Tous les regards sont tournés vers la députée LREM de la Loire, Valeria Faure-Muntian, qui a porté cette proposition de loi début 2021. Mais je rappelle qu’il en était déjà question dans la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) de 2019, projet retoqué par le conseil constitutionnel en mai 2019 pour cause de cavalier législatif. En 2018 et 2019 de très nombreuses réunions ont été organisées par Lionel Corre, sous directeur des assurances, et la bureau Bancfin 4 de Bercy, avec l’ensemble des acteurs de l’intermédiation. Le texte initial a été maintes fois amélioré suite aux recommandations des associations présentes. Il est donc inexact de dire que les associations ont été prises au dépourvu !
Pourtant, certains acteurs (en assurance comme en crédit) semblent déplorer un manque d’écoute, notamment sur d’autres pistes proposées, comme un rôle renforcé de l’ORIAS. Entre le contexte sanitaire et économique, les inquiétudes de certains IOBSP sur le sujet des conventions bancaires… Etait-ce vraiment le bon timing pour mettre en place une telle réforme ?
La critique est aisée mais l’art est difficile ! (Philippe Néricault ; 1732). Je constate en effet que certains émettent de fortes réserves sur cette loi ; il s’agit d’associations et/ou syndicats professionnels qui représentent majoritairement les grosses structures de l’intermédiation bancaire ou assurantielle. Il faut rappeler le rôle premier de l’accompagnement des acteurs, surtout des petits qui n’ont pas les moyens humains, financiers, et de temps pour s’assurer du respect des textes en vigueur dans leur quotidien. Certes cela va engendrer un coût annuel d’adhésion qui sera probablement proportionnel à la taille de l’adhérent, mais cela va également apporter un plus notoire pour ancrer nos professions dans l’environnement macro-économique avec plus de transparence et de loyauté envers le client. Je rappelle que ni l’ORIAS ni l’ACPR ne peuvent accomplir ces missions : l’ORIAS par ses statuts et l’ACPR par manque d’informations pour cibler ses contrôles. La reconnaissance “officielle” des intermédiaires dans l’environnement ne saurait être un frein au rétablissement des partenariats bancaires ; l’AFIB y travaille pour faire respecter la loi par les banques, sur l’opposabilité du mandat ou la non intégration des honoraires de courtage dans le TAEG.
Le calendrier est désormais fixé : entrée en vigueur de la réforme du courtage en 2022 ! Quelles conséquences pour l’AFIB en terme d’organisation ?
Créée en 1997, l’AFIB n’a cessé de s’adapter au contexte règlementaire, est devenu un syndicat en 2008, pour finalement redevenir association professionnelle des intermédiaires en bancassurance en novembre 2019. Les petites structures d’IAS qui commercialisent essentiellement de l’assurance emprunteur pourront donc nous rejoindre au plus tard le 1er avril 2022. Nous avons prévu d’embaucher afin d’être en mesure d’accomplir nos missions que je rappelle ici : suivi de l’activité et de l’accompagnement des membres, service médiation, respect des exigences professionnelles et organisationnelles, service d’accompagnement et observation de l’activité et des pratiques professionnelles (collecte de données statistiques). L’AFIB mettra à disposition des candidats un logiciel dit de CRM qui va leur permettre d’adhérer rapidement et simplement. J’attire l’attention de tous sur le fait qu’il sera matériellement impossible de gérer plusieurs milliers de demandes d’adhésion en quelques semaines, d’où mon souhait que, dès agrément de l’AFIB par l’ACPR, c’est à dire probablement à l’automne, les demandes d’adhésion arrivent régulièrement.
“La règle est simple : 1 numéro de SIREN = 1 adhésion”
Nos lecteurs s’interrogent sur 2 aspects très pratiques concernant l’obligation d’adhésion à une association : d’une part, lorsqu’on est IOB et IAS, faut-il une double adhésion ? D’autre part, les MIOBSP et les MIA sont-ils concernés ?
La règle est simple : 1 numéro de SIREN = 1 adhésion. Ainsi un IOBSP qui exerce également de l’assurance dans la même structure n’aura qu’une seule adhésion ; en revanche s’il crée une seconde société, quelle que soit sa forme, il devra la faire adhérer pour obtenir son attestation, et ainsi pouvoir renouveler son inscription ORIAS. Cependant, les mandataires IOBSP, exclusifs ou non, ainsi que leurs mandataires, sont exclus du dispositif. Idem pour les agents généraux d’assurance, et les sociétés exerçant en Libre Établissement ou Libre Prestation de Service (sociétés étrangères). Mais ils doivent malgré tout détenir un contrat auprès d’un médiateur, d’où leur intérêt d’adhérer à l’AFIB qui leur offre ce service.
Pour conclure, cette loi va dans le sens de l’histoire, en responsabilisant les acteurs, en régulant le marché et en protégeant les consommateurs, à l’heure où le numérique crée de nouveaux risques systémiques.
Merci beaucoup Géraud pour cette interview. Quelque chose me dit que nous aurons très vite une nouvelle occasion d’échanger ensemble !