maprimerénov suspendue

Depuis le 23 juin, le dispositif MaPrimeRénov’ a été suspendu pour les rénovations d’ampleur. Pour quelles raisons ? Quelles conséquences pour les porteurs de projet ? Eléments de réponse dans cet article signé Made in Courtage.

Une suspension de MaPrimeRénov’ provisoire 

Un temps envisagé le 1er juillet, c’est finalement dès le 23 juin que le gouvernement a décidé de suspendre le dispositif MaPrimeRénov’ à destination des rénovations d’ampleur. Une « réouverture » est prévue, sans doute pour la mi-septembre. A noter que cette suspension ne concerne pas le parcours mono-geste (travaux isolés de rénovation énergétique) ou encore les primes à destination des copropriétés qui s’engagent dans une démarche vertueuse.

Le 17 juin, Valérie LETARD, ministre en charge du Logement, a engagé une concertation avec des parlementaires, des acteurs de la filière bâtiment, ainsi que des collectivités locales. Objectif de cette concertation : 

  • Renforcer la lutte contre la fraude
  • Ajuster les règles financières

A l’issue de cette journée, l’enveloppe prévue pour 2025 a néanmoins été confirmée : MaPrimeRénov’ reste dotée d’un budget de 3,6 milliards d’euros cette année. Alors pourquoi cette suspension brutale pour les chantiers d’ampleur ?

Le nombre de rénovations globales en forte augmentation

Selon le ministère, « le coût moyen de l’aide est de 40.000 euros pour des rénovations d’ampleur coûtant 60.000 euros ». Une aide environ 10 fois supérieure à celle versée en moyenne pour les mono-gestes. Toujours selon le ministère, les rénovations globales auraient été multipliées par 3 en l’espace d’un an. 

Rappelons les chiffres publiées par l’Anah (Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat) : depuis 2020, ce sont 2,44 millions de logements qui ont été rénovés grâce au dispositif MaPrimeRénov. Parmi eux, 333.359 ont fait l’objet d’une rénovation d’ampleur. Au-delà du nombre de logements concernés, c’est aussi et surtout le montant des aides accordées pour ces rénovations globales qui s’est envolé au cours des derniers mois



202220232024
Rénovation par gesteNbre de logements605669505126249427

Montant des aides2,3 Md€1,952 Md€0,903 Md€

Aide moyenne par logement3797 €3864 €3622 €
Parcours accompagné (ex MPR Sérénité)Nbre de logements341223395053403

Montant des aides0,503 Md€0,553 Md€1,937 Md€

Aide moyenne par logement14741 €16280 €36271 €

(Tableau issu des données disponibles sur le site de l’Anah)

En 2024, en tenant compte de MaPrimeRénov’ Copropriétés, les aides consacrées à la rénovation d’ampleur se sont élevées à près de 2,4 milliards d’euros (pour un peu plus de 91.000 logements concernés). 

Pourquoi une telle accélération des rénovations d’ampleur ?

Plusieurs raisons peuvent être évoquées. La première est liée très certainement à une prise de conscience collective de la nécessité d’oeuvrer en faveur de la transition énergétique. Couplée à une communication grand public autour du dispositif MPR, de nombreux propriétaires ont voulu sauter le pas, profitant des aides publiques pour réaliser des économies d’énergie tout en agissant en faveur de l’environnement. L’explosion du coût de l’énergie a sans doute contribué à accélérer ces réalisations.

Si cette première raison (à facteurs multiples) peut paraître vertueuse, une autre raison est à chercher du côté des DPE… De leur impact sur les prix de vente d’une part, et l’interdiction progressive à la location pour les passoires thermiques d’autre part. Un calendrier trop serré pour les logements G puis F a nécessairement accéléré le besoin d’effectuer des travaux de rénovation énergétiques pour de nombreux propriétaires, investisseurs locatifs, mais aussi candidats à la vente voulant valoriser leur bien avant mise sur le marché. 

Des fraudes pointées du doigt par le ministère

Des cas de fraudes avérées ont été relevées. L’effet d’aubaine créé par le dispositif MPR a conduit à des détournements de primes. Entreprises fantômes, sur-facturation de certains travaux… Le ministère souhaite la création d’un référentiel des prix afin de détecter les abus, relevant notamment une hausse de 7% du coût des travaux entre 2024 et 2025 (pour une inflation inférieure à 2%).

A noter que dans les prochains jours, est attendue la promulgation de la loi sur la lutte contre les fraudes aux aides publiques (dite Loi Cazenave). 

Cette loi consacre un large volet à la lutte contre la fraude à la rénovation énergétique. Notamment, l’absence d’immatriculation au Registre national des entreprises (RNE) est à nouveau considérée comme un délit. Un délit passible d’une amende de 7 500 euros.

Les entreprises devront mieux informer leurs clients sur la détention du label RGE (Reconnu Garant de l’Environnement), indispensable pour bénéficier de certaines aides. Ce label, délivré par des organismes agréés depuis janvier 2025, devra être présenté aux consommateurs avec justificatif.

Les publicités et sites internet proposant des travaux de rénovation (pompes à chaleur, isolation, etc.) devront obligatoirement renvoyer vers la plateforme France Rénov’, sous peine de sanction.

La sous-traitance sera davantage encadrée : dès 2026, elle sera limitée à deux niveaux, et à partir de 2027, l’entreprise qui facture les travaux devra elle-même être labellisée RGE, même si elle sous-traite à une autre entreprise RGE. Le consommateur devra aussi être informé du recours à cette sous-traitance.

Enfin, en cas de pratiques commerciales abusives, la DGCCRF pourra suspendre ou retirer les labels RGE ou « Mon accompagnateur Rénov’ » pour six mois, renouvelables une fois. Voire les interdire pour cinq ans. Le consommateur restera éligible aux aides même si le label est perdu en cours de chantier. Les modalités seront précisées par décret.

Le gouvernement mise sur les Certificats d’économie d’énergie (CEE)

L’idée principale étant de renforcer le financement du dispositif avec un objectif d’abonnement supplémentaire à hauteur de 250 millions d’euros pour les rénovations d’ampleur. 

Le principe des CEE contraint les fournisseurs d’énergie à encourager les consommateurs à réaliser des économies d’énergie efficaces. En cas de non-respect de ces obligations, ils s’exposent à des sanctions financières importantes imposées par l’État.

Pour répondre à ces exigences, des fournisseurs de gaz et d’électricité offrent diverses aides comme des conseils, diagnostics, prêts à taux bonifiés ou des primes pour l’installation d’équipements de chauffage et de production d’eau chaude performants, ainsi que pour la rénovation globale des bâtiments. De même, certains acteurs de la grande distribution et des enseignes pétrolières proposent des primes pour des économies d’énergie liées à l’installation de ces équipements. Il n’y a pas de plafond de ressources à respecter, mais le montant de l’aide CEE peut varier en fonction des revenus.

Un arrêté publié au Journal Officiel du 13 juin vient majorer les volumes de CEE accordées aux entreprises qui réalisent des rénovations thermiques d’ampleur chez les ménages modestes : 

  • x4 quand les travaux sont valorisés par l’Anah
  • x2 pour les résidences secondaires ou les logements sociaux

Le montant de l’enveloppe globale des CEE est estimé entre 4 et 6 milliards d’euros par an.

Du nouveau du côté de l’éco-PTZ

Accessible à tous les propriétaires et sans conditions de ressources, l’éco-PTZ peut atteindre jusqu’à 50.000 euros. Il est cumulable avec les primes CEE proposées par les fournisseurs d’énergie. A compter du 1er juillet, un audit énergétique sera obligatoire pour les rénovations d’ampleur. Bonne nouvelle : la durée maximale de l’éco-PTZ va être portée de 15 à 20 ans.

Des élus souhaitent voir la gestion de MaPrimeRénov’ confiée aux intercommunalités ou aux départements

Sébastien MARTIN (LR), fraîchement élu député Saône-et-Loire et président de l’association d’élus Intercommunalités de France, prépare un texte sur la décentralisation du dispositif MPR avant l’été… Sans que l’on sache si et quand cette proposition de loi pourra être inscrite à l’ordre du jour des débats parlementaires. 

Rappelons que l’une des propositions du candidat Macron était de décentraliser les politiques du logements aux communes et aux intercommunalités.

« Sécuriser, fiabiliser et construire mieux » (Valérie LETARD)

La suspension de MaPrimeRénov’ a été brutale, mal expliquée, mal préparée. Elle est un coup dur pour les projets de rénovation en France, et toutes les parties prenantes (propriétaires, entreprises). Pourtant il y avait matière à agir dans la concertation, afin de ne pas déstabiliser une filière déjà mise à mal par la crise de l’immobilier que nous avons traversée. Et que nous subissons toujours : plus précisément, la crise du logement. 

Retenons cependant cette volonté de Madame la ministre : « sécuriser, fiabiliser et construire mieux ». Souhaitons que cela ne soit pas de vains mots et qu’enfin, d’ici la fin de l’été, une vraie politique du Logement en France, sur le long terme, se dessine. Il est plus que temps.

En savoir plus sur Made in Courtage

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture