Made in Courtage : Bonjour Rémi ! Tu exerces le métier de courtier en prêt immobilier depuis 14 années. Peux-tu en quelques mots nous décrire ta perception de l’évolution du courtage au cours de ces dernières années ? 

Rémi TAULEIGNE : Indéniablement, depuis 14 ans le métier s’est grandement professionnalisé. Cet aspect est très positif, car entre nous, il y avait un réel besoin. La réglementation a fait un tri important et même si le renforcement règlementaire est initialement vécu pour beaucoup comme une contrainte, il faut reconnaitre que la standardisation de l’offre amène une crédibilité plus importante vis-à-vis des consommateurs mais aussi vis-à-vis des prêteurs.

Il y a 15 ans, le courtier était trés souvent résumé à un « apporteur d’affaires », un indicateur pour la banque. L’Orias en a fait un métier avec un périmètre clair. La banque externalisait sa prospection, elle va sous peu de temps en externaliser une partie du traitement.

L’effet pervers des évolutions de ses dernières années, l’effet induit de cette standardisation c’est la concentration du marché. Une concentration qui me semble déraisonnable et particulièrement problématique. Une trop forte concentration pose clairement la question de l’indépendance de l’offre et de la libre concurrence vis-à-vis du client.

On parle beaucoup depuis quelques temps de fintech, d’assurtech… Finalement, assez peu de nouveautés jusqu’à présent pour les courtiers en crédit, non ?

Oui, effectivement beaucoup d’articles et de projets en cours mais finalement peu de nouveautés sur le fond à ma connaissance. D’une part parce que les circuits de traitement des établissements bancaires ont peu évolués, (même si ils y travaillent activement) et d’autre part parce que les usages sont en train de radicalement changer en profondeur et le décalage entre le parcours client existant et la fluidité attendue est immense. L’attente client n’est plus la même, le financement a extrêmement de retard dans les modalités de souscription. La plupart des projets (à ma connaissance) sont concentrés sur l’évolution du traitement des dossiers, en clair moins de papier pour plus de pdf. avec des facilités d’échanges. Mais dans le fond cela ne change pas vraiment grand-chose sur la souscription. Le vrai changement, c’est l’évolution des modalités de souscription. Et ça, ce ne sera pas une évolution, se sera un bouleversement sans précédent dans le monde du courtage.

Les nouvelles technologies (blockchain, chatbot…) auront-elles demain un rôle à jouer dans le parcours client ?

Sans aucune hésitation : oui.

J’ai d’ailleurs eu l’immense privilège de participer à un Tedx spécifiquement sur ce thème.

Le chabot c’est une des évolutions naturelles d’accompagnement des clients. Cela apporte de la fluidité et une potentielle meilleure expérience client.

La blockchain, et plus généralement le couple « sécurité informatique et concentration des données personnelles » (cf vidéo Tedx) va tout changer. Résoudre l’équation de la fiabilité des données et de leur transfert en pleine sécurité instantanément nous rapproche inévitablement de la souscription en temps réel.

Concrètement, tous les ingrédients sont désormais disponibles. Les données originales existent, la sécurité informatique, la technologie le permet, ce n’est plus qu’une question de temps. Les seuls freins : les modèles économiques existant et les organisations bancaires actuelles. Mais tout ça va évoluer brutalement. La trajectoire est tracée, pour ma part cela ne fait aucun doute.

Tu as annoncé tout récemment la sortie d’un nouveau service développé par Crédit by Sphinx. Peux-tu nous en dire un peu plus ? 

Effectivement. C’est la 1ère brique de notre projet.

Nous avons travaillé sur la mise à disposition d’un outil qui permet à un client en moins de 2 minutes d’obtenir une simulation basée sur ses données personnelles ; un taux d’intérêt personnalisé, une durée et un plan de financement modifiable a souhait (y compris pendant la visite d’un bien !!!). Nous pouvons y rajouter des travaux, les enlever, cela gère les prêts relais et l’outil lisse le PTZ en ligne ; le tout disponible pour les particuliers et les professionnels, et naturellement c’est gratuit.

Si le client est intéressé, il accède à un espace personnel avec toute une série de fonctions, prise de rdv, physique, visio, en agence, il peut avancer dans sa demande de crédit, signer le mandat en ligne (seul ou accompagné du conseiller qui lui est dédié) déposer les pièces nécessaires au dossier dans un coffre-fort numérique et naturellement disposer du suivi en temps réel.

Le professionnel de l’immobilier, peut solliciter la plateforme en envoyant un simple SMS ou en insérant une url tracée dans ses annonces lui permettant d’accéder aux  grandes étapes du dossier de son client selon une gestion de droits liés aux capacités professionnelles de chacun. Le client, le professionnel de l’immobilier, le courtier, tout le monde travaille sur le même outil.

L’instantanéité que procure l’outil en BtoB offre aux professionnels de l’immobilier un outil sans équivalent dans le schéma BtoBtoC lui permettant de qualifier ses prospects en temps réel.

Du point de vue techno, la structure de l’outil est dotée d’une blockchain privée que nous sommes en train de faire certifier.

La plateforme est depuis le mois d’avril en déploiement chez nos partenaires immobiliers et les 1er résultats sont très encourageants pour l’objectif cible et nous amène à prospecter des réseaux en quête d’outils structurants sur la partie financement.

La célèbre photo de Jeff BEZOS, fondateur d’Amazon, à ses débuts dans son bureau, a fait le tour du monde, et comme beaucoup d’entre nous, tu l’as partagée via les réseaux sociaux. Que t’inspire-t-elle ? 

Jeff Bezos

Jeff BEZOS, fondateur d’AMAZON, dans son bureau en 1999

Sans aucune comparaison possible, concrètement, nous nous sommes attaqués à un « gros morceau ». Se rappeler régulièrement d’où l’on vient permet aussi de mesurer de temps en temps où l’on peut aller. Lorsqu’il était seul dans son bureau, je suppose que le doute et l’incompréhension devait être légion.

L’observation des résultats, le contrôle de la performance est une phase statique, pour ma part je préfère les trajectoires et l’exemple de Jeff Bezos est fascinant. Il n’a pas créé un commerce, il a créé une place de marché, réorientant les flux bouleversant les modèles en place.

Toute les générations ne vivent pas une révolution industrielle. Ma conviction est que nous avons entamé une phase de grands bouleversements dans laquelle ce qui paraissait impossible et même impensable il y a peu, va ouvrir des opportunités sans précédents.

3 qualités pour décrire le courtier de demain ? 

Je passe naturellement sur la compétente technique, qui est une évidence.

  1. –        Etre en phase avec son temps en utilisant des outils adaptés
  2. –        Mettre le parcours (ou l’expérience)-client au cœur de ses préoccupations
  3. –        Savoir prospecter des cibles et non plus seulement des volumes.

Rémi, merci beaucoup pour t’être prêté au jeu des questions / réponses Made in Courtage et avoir abordé avec nous ces sujets passionnants. A bientôt !

Mon parcours

Docteur en Géographie économique, j’ai travaillé dans le cadre de ma thèse sur les logiques d’implantation d’entreprises et sur la diffusion de certaines catégories de commerces.

De la théorie à la pratique… Après 5 ans de labo et d’enseignements universitaires (CNRS-UAPV), mon gout prononcé pour l’action, la méthode et les défis, m’a naturellement poussé à intégrer en tant qu’indépendant un établissement privé, embryonnaire, qui connaît depuis sa création (11 ans) une évolution significative.

Ce que je préfère : l’Entreprise et les trajectoires d’entreprises … Mes “sujets de prédilection”​ : la transition digitale de notre société, ses impacts sur les pratiques commerciales, sur les territoires commerciaux, la conduite du changement que cela induit dans les entreprises, et particulièrement sur les services liés au Financement.