Mme Valéria FAURE-MUNTIAN, députée LREM et co-présidente du groupe d’étude « Assurances » à l’Assemblée Nationale , a déposé le 14 janvier 2020 une proposition de loi portant la réforme du courtage.
Quels sont les objectifs de cette réforme ? Quel va être le calendrier d’entrée en vigueur ? Quelles conséquences pour les courtiers en crédit ?
Made in Courtage a pu interroger Mme FAURE-MUNTIAN sur sa proposition.
Propos recueillis le 13 février 2020
Made in Courtage : La loi PACTE prévoyait dans son article 207, une réforme du courtage, concernant à la fois la distribution d’assurance et l’intermédiation bancaire. Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs les principaux objectifs de cette réforme ?
Valéria FAURE-MUNTIAN : Le premier objectif de cette proposition de loi est de veiller à la protection des consommateurs mais également à la responsabilisation des acteurs économiques. Face à la diversité des acteurs qui interviennent dans ce secteur, le but est d’assurer une régulation effective du marché notamment suite au développement de ce secteur. Ainsi, la création d’associations professionnelles, à adhésion obligatoire et agréées par l’ACPR, permettra de mieux structurer ces professions par l’intermédiaire de missions de vérification et d’accompagnement.
Il s’agit donc pour l’ACPR d’avoir une meilleure visibilité sur la distribution des produits d’assurance et de crédit ?
Le manque d’information ne permet pas à l’ACPR d’opérer un contrôle optimum sur les activités de ces professions. Le contrôle par l’intermédiaire des associations professionnelles à adhésion obligatoire permettra effectivement de renforcer en souplesse la vigilance et l’encadrement de l’activité de courtage grâce à la transmission effective des informations.
Mais il s’agit également pour la profession elle-même d’avoir une meilleure visibilité sur la distribution de ses produits.
Quelles différences dans le contrôle par rapport aux CIF (Conseillers en Investissement Financier) ?
L’agrément des associations professionnelles des CIF est attribué par l’Autorité des marchés financiers (AMF) tandis que celle des associations de courtiers sera attribué par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).
Ces associations professionnelles ont pour mission exclusive de représenter les intérêts des CIF et de défendre leurs droits. La dimension « accompagnement » que l’on retrouve dans ma proposition de loi est absente chez les associations des CIF.
Par ailleurs, en matière de contrôle de la qualité des membres, ces associations demandent la communication d’un programme d’activité tandis que dans le cas du courtage, il est donné libre choix à ces associations d’élaborer les règles qui leur permettront de procéder à la vérification des conditions d’accès. Etant donné la diversité des métiers visés par la proposition de loi, la souplesse que je propose permettra une meilleure adaptabilité à chacune des filières.
L’article 207 de la loi PACTE a rencontré une censure du Conseil Constitutionnel. Co-présidente du groupe d’études « Assurances » à l’Assemblée Nationale, vous venez de déposer une proposition de loi qui remet d’actualité cette réforme. Les modalités sont-elles identiques au texte initial ?
Le premier changement repose sur le rôle et les missions des associations professionnelles, les mentions de « défense de leurs intérêts » et de « formations professionnelles » ont été retirées au profit du devoir « d’accompagnement » de la profession. De plus, l’article 207 de la loi PACTE évoquait explicitement une mission de vigilance en matière d’exercice de l’activité, dans la réforme que je propose j’ai préféré que l’on évoque le devoir de vérifier le respect des diverses exigences professionnelles.
Par ailleurs, la liste des catégories de personnes exerçant une activité de courtier en assurance et qui ne sont pas soumis à l’obligation d’adhésion est établit dans la proposition de loi tandis que la loi PACTE renvoyait à un décret. J’ai considéré qu’il était plus sécurisant de préciser ce point immédiatement dans le texte législatif.
J’ai également indiqué le délai maximal de deux mois dont l’association professionnelle bénéficie pour répondre à une demande d’adhésion.
S’agissant du pouvoir de sanction, j’ai rappelé trois points essentiels : la compétence du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le siège de l’association lors d’un recours à l’encontre d’une décision de retrait de la qualité de membre, l’impartialité de la commission établissant ces sanctions et l’incompétence de cette même commission s’agissant des manquements de ses membres dans des domaines qui relèvent exclusivement de la compétence de l’ACPR.
Enfin, il y a des changements mineurs d’ordre rédactionnel telle que le remplacement d’un mot par un autre, des reformulations de phrases ou le changement de la numérotation des articles.
Le calendrier initial prévoyait une entrée en vigueur d’abord pour le courtage d’assurance, puis l’intermédiation bancaire un an après. Est-ce toujours le cas ?
En effet, le texte issu de la loi PACTE prévoyait une entrée en vigueur au 1er janvier 2020 pour le courtier en assurance et au 1er janvier 2021 pour les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement. Au regard du calendrier législatif et tout simplement du fait que la date du 1er janvier 2020 s’est écoulée, nous avons uniformisé cette date d’entrée en vigueur du texte au 1er janvier 2021 pour l’ensemble de ces professions.
De nombreux intermédiaires en crédit sont aussi enregistrés à l’ORIAS en qualité de courtier en assurance – notamment pour l’activité d’assurance emprunteur. Devront-ils adhérer à 2 associations différentes ?
En effet, certaines entités ont la « double casquette ». Elles sont à la fois courtiers en crédit et courtiers en assurance, notamment s’agissant des assurances emprunteur. Afin d’éviter la double cotisations ces professionnels n’auront à adhérer qu’à une seule association. Ces modalités seront précisées soit dans le texte législatif lui-même par voie d’amendement soit ultérieurement par voie réglementaire afin d’éviter tout problème d’interprétation.
Les différents syndicats professionnels du courtage en assurance sont prêts pour se positionner en tant qu’associations «agréées», et les courtiers semblent en majorité accueillir le projet favorablement. Côté intermédiation bancaire, la réforme suscite encore beaucoup d’interrogations, voire de l’inquiétude : peut-être parce que les IOBSP sont « moins » organisés ? Faut-il faire preuve de plus de pédagogie ?
Je tiens à souligner que le rôle que vous jouez au travers de cette interview et de vos articles sur le sujet est déjà un grand pas pour informer les professionnels IOBSP. J’entends les inquiétudes et suis à la disposition des professionnels pour faire ce travail de pédagogie sur le sujet. Par ailleurs, je crois que la création d’associations professionnelles à adhésion obligatoire va, de fait, apporter une meilleure organisation à ces métiers.