A l’occasion des récentes péripéties tarifaires bancaires dévoilées par une association de consommateurs, Made in Courtage interroge Maître Laurent Denis.
Comme toujours : échange en mode franc-jeu !
Made in Courtage – Bonjour Laurent. Une association de consommateurs a donc éventé cette dernière semaine de septembre 2018, des pratiques tarifaires pour le moins critiquables, de la part des banques françaises. Que t’inspire cette information ?
Laurent Denis : bonjour Eric. Peu de surprise. Une grande tristesse. Et beaucoup de consternation. Il se passe toujours quelque chose, dans le pétulant secteur bancaire. Le spectacle ne cesse jamais !
Made In Courtage a aimablement diffusé l’analyse 2018 du secteur bancaire français, réalisée par Endroit Avocat. C’était le 10 septembre ; posant que le modèle de banque universelle est visiblement bon pour le musée, cette étude critiquait « l’empilement des facturations de découvert », comme l’ont lu les lecteurs attentifs de Made In Courtage, c’est-à-dire, tous. Elle soulignait la totale inadéquation du modèle économique de surfacturation bancaire forcenée…
Et le 3 septembre 2018, le Ministre de l’économie et des finances avait manifesté toute sa confiance dans l’autorégulation tarifaire des banques…
LD : … parfaitement juste ! Et le même ministre des finances découvre donc le 26 septembre, soit vingt-trois jours après, dans la presse, qu’un groupe bancaire surfacture éhontément des découverts de particuliers. Depuis onze mois ! Le secteur bancaire français marche franchement au radar. Ceux de la police routière semblent plus performants.
Pourtant, il existe bien une Autorité de surveillance et de contrôle bancaire. Les IOBSP la connaissent bien, également. C’est l’ACPR, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution ?
LD : oui, la dénomination de cette Autorité de contrôle bancaire n’indique même pas son champ d’activité. Elle est chargée de deux missions principales, dont l’une consiste à veiller “à la protection des consommateurs”. Elle veille trop profondément. En onze mois, elle n’a rien capté d’une pratique commerciale tarifaire manifestement abusive.
Tout ceci met au grand jour, une fois de plus, l’inadaptation des banques françaises et de leur contrôle aux besoins économiques du pays. Et souligne les carences du Droit bancaire.
Que veux-tu dire ? Ce Droit bancaire présente déjà une belle épaisseur. Mon Code monétaire et financier présente une tranche de sept centimètres !
LD : oui, et il contient même pas loin de 1.600 articles. De quoi s’occuper. Le souci, c’est que ce Code monétaire et financier ne contient aucune règle de bonne conduite pour les banques…
Pourtant, les IOBSP, les Courtiers, sont soumis, eux, à des règles de bonne conduite.
LD : bien sûr. Mais pas les banques, pas les établissements de crédit ni les établissements de paiements, qui sont les Prestataires de Services Bancaires, au sens de la Loi.
Comment s’explique cette situation ?
LD : elle ne s’explique pas rationnellement, ni même juridiquement. Implicitement, le Droit bancaire ne considère guère les produits ou les activités ; il règlemente surtout des personnes. Donc, aux banques : peu de principes de pratique professionnelle. Aux IOBSP (entre autres) : des règles de bonne conduite, un devoir de conseil pour les courtiers.
Le Droit bancaire français est structurellement déséquilibré, inéquitable et manifestement inefficace, puisque les scandales s’enchaînent ; c’est surtout un droit bancal.
Le droit bancaire, un droit bancal ?
LD : d’évidence. Privées de règles de bonne conduite, les banques ne se privent pas de pratiquer avec application celles de la mauvaise conduite.
Que faire ?
LD : c’est simple : réclamer sans répit que les banques françaises soient soumises à des règles de bonne conduite. C’est essentiel pour tout le secteur bancaire. Aujourd’hui, 1er octobre 2018, les nouvelles dispositions en distribution d’assurance, issues de la Directive Distribution en Assurances, s’appliquent. Elles harmonisent les pratiques professionnelles, entre Intermédiaires et Fournisseurs.
Il faut exiger le même niveau dans le Droit bancaire.
Comment faire ?
LD : en prenant la parole, à toutes les occasions. Les IOBSP doivent se faire entendre. Pour exiger trois nouveaux articles imposant des règles de bonne conduite aux banques, ainsi qu’une obligation générale de conseil, quels que soient les produits et quels que soient les clients.
En effet, même si c’est un avantage aux yeux des clients, il est anormal que les courtiers en crédits subissent une obligation de conseil, et pas les banques qui octroient ces crédits et même, les distribuent parfois directement, faisant alors les mêmes actes que les Courtiers. Cette distorsion est dangereuse pour les Courtiers, qui se trouvent finalement les seuls à assumer l’obligation de conseil face aux emprunteurs.
Accessoirement, des règles de bonne conduite devraient s’imposer aux banques dans leurs relations avec les IOBSP. C’est un sujet connexe qu’il ne faut pas lâcher.
Pour débuter, nous proposons à chacun de joindre sa voix à une pétition en ligne sur un site public. Elle contient les trois propositions d’articles, rédigées, prêtes à insérer dans un nouveau chapitre du Code monétaire et financier : “Règles de bonne conduite des Prestataires de Services Bancaires”.
Voici le lien : https://www.change.org/p/edouard-philippe-contraindre-l%C3%A9galement-les-banques-%C3%A0-d%C3%A9fendre-les-int%C3%A9r%C3%AAts-de-leurs-clients
Signer et/ou diffuser cette pétition, c’est tout simplement faire un acte de justice bancaire et se mobiliser pour mettre un frein aux abus.
Laurent, un grand merci pour ces éclairages qui donneront, j’en suis certain, matière à réfléchir à nos lecteurs. Je crois que cette pétition débute tout juste : merci de partager avec Made In Courtage cette information toute récente. A bientôt !