Pascal CHERIN

Les IOBSP ont manifesté leurs volontés de maintenir et préserver leurs effectifs, source de savoir-faire, tout en maintenant leurs sourcing. Mais conjointement, ils émettent la crainte de revivre 2008 avec la disparition de certains produits, une complication et un durcissement des normes, excluant un nombre sensible de demandeurs avec des rémunérations en chute libre.

Rencontre avec Pascal CHERIN, président de la commission Regroupement de Crédits (RAC) de l’APIC.

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Bonjour Pascal, la commission que tu présides au sein de l’APIC a organisé une réunion avec les partenaires bancaires spécialisés en regroupement de crédits fin avril pour échanger sur la situation de crise. Comment les banques se sont-elles organisées face à la conjoncture actuelle ?

Pascal CHERIN – Pour nos partenaires bancaires, la priorité a bien sûr été le maintien de la chaine de production, tout en protégeant leurs effectifs et en préservant les partenariats. L’essentiel des personnels ont été placés en télétravail, avec une permanence de quelques personnes sur site pour gérer les affaires courantes. 

L’objectif dans un premier temps fut la gestion du stock. Toutefois, bien que leur chaine de production soit de nouveau rétablie, cette organisation induit des lenteurs d’étude, de traitement des délégations, de gestion des singularités, …etc.

Report de mensualités

Les banques mandantes ont-elles assisté à des demandes de report de mensualité comme on a pu l’observer en crédit immobilier ?

Les partenaires bancaires nous ont fait part de la situation inédite face à une demande massive de report de mensualité à laquelle ils doivent faire face. 

Par exemple, le service client d’un financeur qui traite habituellement 1.000 demandes de report ou d’aménagement par semaine, s’est vu sollicité, au plus fort de la crise sanitaire, jusqu’à 11.000 demandes sur une seule journée. 

Pour protéger les emprunteurs, certains établissements proposent un report de 1 à 3 mois en fin de prêt, d’autres, 2 reports gratuits, enfin le possible report du capital mais le paiement des intérêts.

Le risque déjà en hausse

L’augmentation du risque se fait-elle déjà sentir ?

Si les banques ont tenté d’anticiper cela au sein de leurs encours, en accordant massivement des reports ou en orientant les clients les plus fragiles vers des cellules d’accompagnement et de prévention du surendettement, le sujet reste difficile à appréhender dans l’immédiat quant aux futurs risques accordés.

Le risque a été multiplié par 3 à ce jour ! Avec une inquiétude commune : le coût du refinancement en nette hausse depuis déjà plusieurs semaines sur un marché interbancaire tendu et nerveux. Conséquence directe, un pincement des marges car, dans le même temps, on assiste à cette augmentation du risque et à une chute de l’usure, empêchant d’impacter l’augmentation des coûts de refinancement et du risque.

Dans ce contexte, qu’en est-il du maintien des produits distribués ? 

Tous affirment vouloir maintenir leurs gammes de produits. Il est avancé que la solvabilité de l’emprunteur restera le centre de leur réflexion, indépendamment du secteur d’activité. Bien que des aménagements de normes soient à prévoir, notamment face au chômage partiel, une approche individualisée des dossiers sera priorisée. Aucune exclusion de typologie de clients.

Certaines banques mandantes avaient mis en place un process d’étude partagée : est-ce que cette possibilité va perdurer ?

Dans ce contexte, elles adoptent des positions divergentes, entre maintien pour certaines et arrêt temporaire pour d’autres. 

Les mesures d’adaptation prises par les IOBSP spécialistes du regroupement de crédits

Comment les IOBSP spécialisés en RAC se sont organisés pour faire face à la crise sanitaire ?

L’APIC a fait valoir la situation inquiétante à laquelle la profession devait faire face. Dans un souci de protection de ses effectifs, le télétravail a été massivement utilisé, toutes les agences ont été fermées, les plateformes mises en télétravail afin de maintenir une activité a minima, dont la priorité fut également la gestion des stocks.

Les acteurs présents ont indiqué avoir mis en place des maintiens de salaire, en espérant que la situation ne perdure pas trop.

Toutefois, malgré ces efforts, trois contraintes ont fortement perturbé la mission des IOBSP :

  1. l’arrêt presque total des missions du notariat, empêchant la signature des Offres avec une garantie hypothécaire, 
  2. l’activité très réduite des services de distribution postale, allongeant sensiblement les échanges 
  3. l’inertie des partenaires bancaires à adapter leur chaine de production.

Il a toutefois été souligné que globalement les partenaires ont fait preuve d’agilité et de souplesse comme des déblocages avec promesse de mise en place de cessions ou des OP retournées scannées avec attestation de l’IOBSP.

Le spectre de 2008 ressurgit

Est-ce que la crise sanitaire, qui s’est transformée en crise économique, fait ressurgir le spectre de 2008 ?

L’APIC a fait valoir sa peur de revoir le spectre de 2008, et son changement de normes presque quotidien avec des applications immédiates. Les conséquences directes de cette situation sont :

  • Une perte de volume et de productivité car aussi bien les analystes bancaires que nos commerciaux ne connaissent plus les produits, leurs contours, les possibilités et le potentiel de la gamme. Les dossiers finissent souvent par être étudiés à charge avec une chute de la transformation de 10 à 15 %.
  • L’utilisation aujourd’hui des budgets marketing pour acheter et acquérir des contacts qui ne seront plus éligibles du jour au lendemain, au travers notamment d’informations ou de normes qu’on ne pourrait maîtriser en amont.

Chaque dossier est vital pour nos comptes d’exploitation, et chaque euro dépensé pour l’acquisition doit être raisonné et surtout transformé, sinon, nos ressources économisées seront vite épuisées.

Comment s’est conclue cette réunion ? 

A l’issue de ces échanges très productifs entre les partenaires bancaires et les IOBSP, où chacun a pu faire état de ses propres contraintes, de ses difficultés, de ses volontés, et fort de nos expériences respectives de 2008, il en émane un point commun : Le besoin de visibilité.

  • A la source du contact, les IOBSP ont besoin d’anticiper les situations et les modifications de normes à venir pour éviter de « griller » inutilement les budgets d’acquisition.
  • Valider régulièrement les écarts afin de corriger au mieux et au plus vite les dysfonctionnements.
  • Une approche plus humaine et moins normative des dossiers pour éviter l’éviction de clients victimes de la conjoncture.
  • Une compréhension par les acteurs bancaires de la situation des IOBSP et de remonter l’information à leurs actionnaires.

Nous n’avons pas d’autre alternative que de vivre cette crise, autant tirer profit de nos expériences passées, de renforcer nos liens et trouver des terrains d’entente, dans l’intérêt de tous : du consommateur au banquier en passant par l’IOBSP.