Alors que la crise du Logement va s’amplifier si rien n’est fait, Made in Courtage a interrogé Bérengère DUBUS, secrétaire générale de l’UIC – Union des Intermédiaires de Crédit. Situation des courtiers, reconnaissance du mandat, taux d’usure, réforme du courtage, avenir du métier : une interview sans langue de bois !
Made in Courtage – L’ORIAS a rendu publique les chiffres des renouvellements des inscriptions. Un verdict sans appel : -16% d’intermédiaires en crédit. Les courtiers et leurs mandataires payent un lourd tribut à la situation actuelle. Comment réagis-tu face à cette annonce ?
Bérengère DUBUS – Cette annonce était prévisible puisque l’IUC avait annoncé dès l’année dernière que si rien n’était fait 40 % des cabinets de courtage ne passeraient pas 2023.
Il y a eu des mesures positives mais hélas le chiffre est bien là et je suis stupéfaite du silence général qui entoure cette nouvelle.
Le silence de tous est assourdissant que ce soit les associations, l’ORIAS, l’ACPR… Je sais qu’un travail de fond est réalisé mais il est important que notre profession ait une réponse surtout quand l’ORIAS est mise en cause en partie pour les soucis rencontrés lors de l’inscription.
L’UIC Union des Intermédiaires de Crédit que tu as créée 2019 est aujourd’hui sur tous les fronts ! Reconnaissance du mandat, taux d’usure… Peux-tu nous dresser un bilan de tes dernières rencontres ?
Oui nous sommes sur tous les fronts car les attaques proviennent de tous les côtés même si la réponse devant l’assemblée de Bruno le Maire a clairement rappelé à tous ce que je disais depuis 2019 : Il est illégal d’empêcher un emprunteur d’être conseillé par un IOBSP.
Sur les dernières semaines, j’ai rencontré en effet :
- la DG de la FBF pour lui demander si la fédération pouvait clarifier le rapport banque – iob suite aux récentes avancées,
- l’ACPR pour réfléchir à son rôle dans les entraves à notre liberté d’exercice,
- remis des rapports aux pouvoirs publics dès janvier sur la crise de l’accès au crédit et les aménagements possibles du HCSF,
- obtenu des notaires d’inclure les honoraires de courtages dans les appels de fonds
Oui le planning est dense.
Des associations qui ont un rôle à jouer
Mais c’est aussi un rôle que les associations professionnelles devraient endosser, non ?
Les associations ont toujours revendiqué ne pas être syndicat et ne pas être là pour défendre les intérêts de la profession. Elles sont un rôle de soutien juridique, de formation et de contrôle. La défense corporatiste du métier n’est pas de leur ressort ni dans leur objet social.
Le fait qu’elles soient agrées par l’ACPR forcément limite leur liberté de parole comme l’a reconnu Jérôme CUSANO de l’AFIB avec beaucoup de sincérité.
Après cela ne signifie pas qu’elles n’œuvrent pas mais elles le font avec des moyens différents. Or dans un monde qui bouge il faut des méthodes efficaces et rapides. Pourquoi ces victoires de l’UIC attendues depuis des années ? Car nous avons bousculé les codes il faut le dire.
La réforme du courtage n’a pas vraiment l’effet escompté ?
Moi qui étais contre la réforme, je n’en vois aujourd’hui que les effets positifs. Oui la réforme nous légitimise et puisque les pouvoirs publics ont voulu des associations agrées ils doivent les entendre et les respecter.
Ainsi la complémentarité association – syndicat est plus que jamais le meilleur moyen de gagner.
Comment ? Quand l’UIC force les portes et met les pieds dans le plat les associations peuvent ensuite en soutien apporter leur analyse règlementaire. Ainsi après ma rencontre à la FBF j’ai demandé à plusieurs associations de me faire une note de synthèse appuyant les points de droits jugés litigieux.
Après, je reconnais que certaines sont plus engagées et représentatives de la profession que d’autres mais toutes ont un rôle à jouer.
Les prochains rendez-vous importants pour le marché : le Conseil National de la Refondation et la réunion du HCSF
Le 9 mai prochain, Olivier KLEIN, ministre du Logement, présentera les propositions issues des consultations du Conseil National de la Refondation (CNR). Que faut-il en attendre ?
Déjà je tiens à saluer l’énergie du Ministre à entendre et recevoir chacun pour comprendre et agir. Enfin nous avons un ministre car n’oublions pas que ce n’était pas le cas lors du 1er quinquennat. Nous avons plus avancé en un an avec Olivier Klein qu’en 10 ans. Après en effet, il faut que son énergie se matérialise dans des solutions concrètes et que nous sortions du dogmatisme.
En juin, un autre rendez-vous important pour les IOBSP et leurs clients : la prochaine réunion du HCSF. Crois-tu à une inflexion, un changement, des « critères HCSF » qui pèsent tant sur toute la filière de l’immobilier ?
Bien sûr que j’y crois et dès janvier nous avons travaillé et avancé en ce sens, notamment avec le cabinet d’Olivier KLEIN avec 4 demandes fortes :
- Considération des prêts règlementés comme des apports
- Augmentation de la durée des prêts de plus de 25 Ans pour les moins de 30 ans
- Autorisation de la compensation des revenus locatifs
- Création d’une ligne d’usure isolant le 25 ans du 20 ans
Tous ont enfin compris que l’accès au crédit est la pierre angulaire de la politique du logement.
Le courtage de demain
Allez, on se projette ensemble dans quelques années. La crise est passée, le mandat est respecté, l’usure est une histoire ancienne… quel visage pour le courtage de demain ?
D’une manière triviale je dirais que le courtier va devenir une sorte de conseiller en gestion de patrimoine mais qui s’adresse à tous. Oui le rôle du courtier, on l’a vu, devient encore plus essentiel en période de crise. Les Français de plus en plus ont leur courtiers qui les suivent de leur premier achat célibataire jusqu’à la maison en bord de mer pour la retraite.
Notre métier sortira grandi de ces luttes qu’il était nécessaire de mener.