Avec l’annonce officielle le 26 juillet dernier du projet de rachat de 54% du capital de LA CENTRALE DE FINANCEMENT par l’opérateur lyonnais en assurances APRIL, c’est une nouvelle opération d’envergure qui se déroule parmi les acteurs du l’intermédiation bancaire. C’est aussi la suite d’une longue liste d’opérations capitalistiques entamée depuis 2014, et qui devrait se poursuivre pendant encore plusieurs mois.
Que ce soit au travers de prises de participations industrielles, comme dans la présente affaire, ou via des fonds d’investissement, la création de groupes intervenant dans le courtage en crédits et dans l’écosystème de cette activité, se multiplie. Opportunités financières, investissements coûte que coûte, ou véritables stratégies au sein desquelles les enseignes d’IOBSP trouvent leur légitimité ?
Si on ne s’intéresse qu’au seul angle capitalistique et de profitabilité, il faut bien reconnaître que les milliards d’Euros de liquidité sont un terrain fertile aux prises de participation, dont la perspective de retour sur investissement est analysée comme plus rentable que le placement sur les marchés financiers, au regard des taux d’intérêt pratiqués. A ce titre, l’intérêt révélé par les fonds d’investissement se comprend aisément. Mais il n’empêche que ces fonds ne sont pas là pour perdre leur mise, ou du moins s’ils peuvent éviter de le faire c’est forcément mieux pour eux et pour les épargnants qui leur font confiance. Or un fonds d’investissement n’a pas vocation à rester, sauf exception, longtemps dans le capital d’une structure industrielle. Les analystes anticipent donc les horizons de sortie et, par conséquent, les perspectives de croissance et de liquidité du marché dans lequel ils investissent. Pour faire simple, un fonds peut se tromper mais quand plusieurs fonds investissent dans une même entreprise ou dans un même secteur, c’est qu’a priori, les perspectives de croissance et de revente sont plus fortes que celles d’un retournement de tendance. Et il est vrai que la tenue du Marché de l’Immobilier et du Crédit est bonne en France, et en Europe en général, et que dans ces conditions, le retour sur investissement pourrait être assez rapide… Pourrait….
Dans le cas d’un investissement industriel, c’est-à-dire une prise de participation émanant d’un autre opérateur dont l’intérêt économique est lié, directement ou par synergie, à l’activité de la cible, le raisonnement peut varier. D’une part, l’horizon de placement peut être allongé, car il faut savoir construire une offre, ou une dynamique d’offres. D’autre part, les motifs peuvent être aussi divers que variés : seuil critique d’activité, diversification, blocage de la concurrence, création d’un consortium… C’est, dans le cas d’APRIL et de LCF, le motif de la dynamique de distribution (NDLR. sous-entendu de l’assurance de prêt) qui est ainsi annoncé. A ce titre, les différentes réglementations survenues depuis 2014 sur la libéralisation des contrats d’assurance emprunteur tardent à afficher leurs effets, mais rien ne dit que cette situation ne va pas changer rapidement.
Enfin, l’investissement industriel, et encore plus spécifiquement dans les services, a pris une autre tournure depuis ces toutes dernières années, puisqu’au-delà de la synergie liée aux produits ou services proposés, c’est avant tout la maitrise et la richesse des informations collectées sur le consommateur qui est une promesse de richesses. La fameuse « data » sur les renseignements concernant les clients, leurs attentes, leurs achats, la typologie de contrats détenus, leurs projets, leur situation… Et dans ce contexte, il est avéré que le monde financier (assurances, banques et intermédiaires) détient une des clés de compréhension et de prédictions, puisqu’il s’agit des flux monétaires enregistrés et des comportements consuméristes et d’épargne. Pas étonnant de voir donc une structure d’intermédiation bancaire venir compléter la richesse des données d’un assureur. Et d’ailleurs, les opérations réalisées ces derniers mois ont la plupart du temps concerné des acteurs de ces deux secteurs.
Ajoutons à cela, l’affrontement que se livrent assureurs et banquiers sur différents sujets, pour entrevoir la subtilité d’intervenir sur des entreprises d’intermédiation, situées au carrefour des activités des belligérants.
Alors, investissements de raison et d’anticipation – surtout dans un environnement économique à la mouvance brutale et rapide – ou boulimie capitalistique ? Sans doute un peu des deux, mais il parait tout de même plus évident que la création de pools financiers multi-activités, avec son univers de données, est un pari industriel important surtout en cas de durcissement de la « bataille » entre assureurs et banquiers.
Après, restera à dénombrer ceux qui auront mis sur pied les stratégies les plus logiques, et qui auront payé les affaires à un prix permettant un retour sur investissement supportable. L’âge de raison peut vite faire passer dans le déraisonnable.

Bruno ROULEAU, Directeur des Partenariats et Porte-parole de l’enseigne In&Fi Crédits