« Prix, taux d’intérêt : l’immobilier bat tous les records », titrait le journal Les Échos dans son édition du 2 août 2019. On ne compte plus le nombre d’articles ou de reportages que les médias tant spécialisés que grand public, ont réalisé ces dernières semaines.
Il faut avouer que la conjoncture actuelle est assez incroyable : on peut emprunter aujourd’hui à des taux inférieurs à celui de l’inflation ! Et il n’y a qu’à aller sur les réseaux sociaux pour voir les posts consacrés à des taux records obtenus par les courtiers, dans toute la France…
Et puis… les Français ont confiance dans la pierre : un sondage réalisé par l’IFOP pour la FNAIM révèle que 63% des sondés considèrent que la période est propice aux bonnes affaires immobilières, pourcentage qui monte à 77% pour ceux qui envisagent de devenir propriétaires pour la première fois !
Si les prix au mètre carré continuent de progresser dans les grandes métropoles, cette hausse est compensée par les taux bas et un allongement des durées d’emprunt (229 mois en moyenne) : à noter qu’en juillet, les prêts octroyés sur une durée très longue (25 ans et plus) ont représenté 41,3 % des financements, soit une hausse de +6 points par rapport à 2018. Les demandes continuent malgré tout d’affluer – et plusieurs acteurs tablent sur 1 million de transactions immobilières pour 2019 !
Face à ce constat plutôt encourageant (faiblesse durable des taux d’intérêt, poursuite de l’engouement des Français pour la pierre), quels sont les bénéfices qu’en tirent les courtiers ?
Assurément, ces dernières années, l’intermédiation bancaire a gagné ses lettres de noblesse : la réglementation y a largement contribué, encadrant l’exercice de la profession. Et cela se retrouve dans la progression de la part de marché du courtage, avec aujourd’hui environ 35% de financements intermédiés (voir notre article du 8 juillet 2019) et un objectif à moyen terme d’un prêt sur 2 selon plusieurs observateurs.
Les courtiers ont gagné en visibilité, les clients n’hésitent plus à franchir les portes d’une agence pour obtenir les conditions les plus favorables, et le parrainage fonctionne à pleine vitesse !
Un marché de l’immobilier dynamique, des taux incroyables, un métier qui « se démocratise » : tous les voyants sont donc au vert ?
Oui mais…
On le voit un peu partout en France, les conditions d’ouverture d’une convention de courtage avec un établissement bancaire sont de plus en plus drastiques… de même que les conditions de maintien, quand il ne s’agit pas purement et simplement de réduire le nombre de conventions actives.
Aussi, certains intermédiaires, d’excellents professionnels du courtage, reconnus pour la qualité de leurs conseils et leur expertise, s’interrogent sur l’évolution dans les mois et années à venir. Comment continuer à se développer, quels outils et quels moyens consacrer aux nouvelles technologies pour accompagner la mutation de la relation client (et de la relation bancaire), quelle place demain pour le courtage de proximité, quelle valeur ajoutée pour les emprunteurs et pour les prescripteurs, faut-il faire évoluer le modèle économique ? Ou de manière plus pragmatique, comment maintenir ses marges… ?
Loin de moi l’idée de jouer les Cassandre.
Néanmoins, la réglementation et les nouveaux outils ne seront pas à eux seuls la réponse.
Permettez-moi un parallèle avec l’assurance emprunteur :
- lois LAGARDE, HAMON, amendement BOURQUIN
- Arrivée de nouveaux acteurs (spécialistes de l’assurance emprunteur, pure player, grossistes…)
- Souscription dématérialisée à 100% pour de plus en plus de profils d’emprunteur
- Et toujours 15% de délégation…
Aussi, s’il faut se réjouir d’une réglementation de l’intermédiation qui a professionnalisé le marché et du développement d’outils modernisant le parcours de l’emprunteur, n’attendons pas tout des facteurs exogènes ! Beaucoup d’espoir(s) avai(en)t été investi(s) dans la déliaison de l’assurance, pour trop peu de résultats. Il s’agit donc de réfléchir à d’autres biais.
Et si finalement, le courtage n’en était qu’à ses balbutiements ?
Regardons le paysage de l’intermédiation, à commencer par les grands réseaux : hormis CAFPI (créée en 1971) ou MEILLEURTAUX (qui fête ses 20 ans), la plupart des enseignes nationales sont beaucoup plus jeunes (IN&FI Crédits 15 ans, VOUSFINANCER 11 ans…). Et la majorité des franchisés a bien souvent une ancienneté inférieure à 5 ans ! L’intermédiation est donc portée par des acteurs récents, qui ont avec intelligence su bénéficier d’un contexte favorable depuis 3 à 4 ans (vagues de rachat, dynamisme du marché de l’immobilier…), mettant à profit ce dernier pour se développer : croissance organique, croissance externe, diversification et / ou consolidation des activités connexes (assurance emprunteur, RAC, crédit professionnel). Mais le leader en volume ne pèse qu’environ 3% de la production globale du crédit immobilier !
Donc, oui le marché n’en est qu’à ses débuts – et oui il y a encore à imaginer, à créer, à innover, pour construire le courtage de demain. Et cela doit venir de la profession, des acteurs eux-mêmes, pour continuer à grandir, à gagner des parts de marché.
Mais quels investissements réaliser ? Qui de l’informatique, la formation, le recrutement, le marketing, la communication, doit être priorisé ?
A la vérité, tous ces items sont importants – essentiels – pour durer. Et c’est, au-delà de la marque commerciale, ce qu’apportent les réseaux, petits et grands, en contrat de franchise ou de mandat : une proposition de valeur liée à la capacité d’investissement sur chacun de ces items.
Cela signifie-t-il la fin du courtage indépendant ?
Attardons-nous sur les valeurs fortes du courtage en agence : la proximité et l’expertise.
- Proximité avec les clients, les prescripteurs, les partenaires bancaires… Une valeur ajoutée à part entière, un point commun que défendent les acteurs en réseau comme les acteurs indépendants – avec peut-être pour ces derniers encore plus de vigueur.
- Expertise métier, parfaite connaissance du marché local, autant d’atouts que mettent en avant tous les professionnels du courtage.
Dès lors, chaque IOB, quelle que soit son organisation (indépendant ou membre d’un réseau), partage avec ses pairs les mêmes fondamentaux au service des clients, et exerce son métier avec le même professionnalisme – et la même passion.
Certains d’entre eux ont choisi de s’appuyer sur un réseau, sur une enseigne, d’autres s’en sont affranchis. Mais pour tous, il faut avoir la même réflexion sur la capacité à durer, à se développer.
A innover.
Que faut-il entendre par « innover » ? Ce n’est pas sortir une V2 de son site internet et une application compatible iOS ou Androïd – en tous les cas ce n’est pas le sens que je donne ici à ce verbe.
- C’est être capable de trouver de nouveaux sourcing, de proposer des produits complémentaires (cross-sell), de fidéliser dans le temps ses clients (ne pas oublier que pour les clients qui achètent aujourd’hui, il y a peu de chance de faire une renégo dans 18 ou 24 mois compte tenu du contexte de taux !). Donc d’augmenter le CA par client et de préserver ses marges.
- C’est renforcer ses liens avec les partenaires en amont (prescripteurs) et en aval (prêteurs) en amenant toujours plus de qualité et de transformation, en s’engageant notamment sur la réactivité, la compliance et la transparence. Donc fidéliser ses apporteurs et préserver les partenariats bancaires.
- C’est être attractif pour attirer de nouveaux collaborateurs. Donc pouvoir développer son fonds de commerce par la croissance organique.
- C’est être en mesure d’aller chercher différentes solutions, différentes propositions, de les additionner pour offrir une nouvelle expérience client.
Innover, c’est préparer le courtage de demain !
#çabougedanslecourtage – et le succès attendu de la 2ème édition du Salon du Crédit montre l’intérêt porté par l’ensemble de la profession (réseaux comme indépendants) à l’avenir de l’intermédiation.
Le courtage a encore beaucoup de marge de progression – j’en suis intimement convaincu, au regard de tous les échanges que j’ai eus au travers des interviews menées pour le blog madeincourtage.fr.
Il y a encore beaucoup à faire pour que le marché continue sa structuration, son organisation, afin que chaque professionnel de l’intermédiation puisse pratiquer son métier en se concentrant sur son expertise.
Qu’il exerce au sein d’un réseau ou en indépendant, le courtier doit pouvoir disposer d’une offre de services complète. Pour lui, ses clients, ses collaborateurs, ses partenaires.
Et si c’était cela, innover ?
#BuildFutureOfBrokerage